2018, tirage pigmentaire noir et blanc, 150 x 354 cm
La perspective est doublement convoquée dans cette grande photographie, Le Chariot de Mars (2017-2018), construite à partir du documentaire de 1956 qu’Alain Resnais tourna dans la Bibliothèque Nationale. Toute la mémoire du monde : la redécouverte de ce film de commande, qui en explore l’organisme et le fonctionnement fut un élément déclencheur. Le film, comme archive lui-même de cette immense archive qu’est la bibliothèque, constitue ici le matériau central de cette photographie qui condense trois moments de la connaissance : le livre, le film et l’archive numérique.
La photographie se développe selon une perspective à deux points de fuite (deux figures humaines - plus exactement deux positions d’un même personnage...) ; perspective qui correspond au temps linéaire de cette accumulation de savoir, tels ces infinis rayonnages de livres, qui s’abîment vers la silhouette atomisée de l’homme disparaissant dans l’encadrement d’une porte.
En son sein se joue un autre mouvement, celui d’un livre dont on suit la trajectoire : il s’agit d’un hypothétique ouvrage de vulgarisation astronomique sur la planète Mars, qui semble y effectuer une boucle, passant des étagères au chariot sur lequel le livre est déplacé. Le livre dessine une ligne courbe dans l’espace perspectif, laquelle, au lieu de se refermer, semble alors retrouver la ligne fuyante du point de fuite central (le livre, comme plus petite unité et brique de la bibliothèque, constitue le point de netteté de la photographie). L’image d’un temps astronomique, cyclique, converge, dans cette conjonction opportune, avec l’image du temps linaire de cette bibliothèque-monde.