ODYSSÉE (ADAPTATION)



2007, texte d'Homère, kinescope sur film 35 mm, plexiglas, dimensions variables

On connait la grande analogie médiévale entre le livre et le monde. Mais connait-on celle que nous propose Julien Audebert, avec son Odyssée, entre la pellicule cinématographique et le mythe ? De ce geste d'entomologiste, à transcrire l'intégralité d'Homère (en grec) sur une bobine 35 mm. Par-dela la possibilité ubuesque de projeter ce film pour assister aveuglement au défilement continu d'un texte, l'objet nous met aux prises avec l'utopie cinématographique de faire revivre les événements (on pense bien entendu à Eisenstein). En soi l'Odyssée ne tient donc plus de la traduction académique d'un texte auquel on aurait cherché, en l'occurence, a redonner ses lettres grecques originales.
Elle est plutôt l'effet de ses propres métamorphoses, la mémoire de sa propre génèse et de ses traces physiques. L'Odyssée ne serait pas un mythe pur et simple, gravé dans le marbre de l'histoire, mais son propre devenir-texte, auquel Julien Audebert ajoute une couche, en l'inscrivant à la surface sensible d'un support de projection. Ainsi, la valeur immémoriale et culturelle du mythe est dévoyée vers son futur potentiel et sa valeur d'exposition. Quand bien même la pellicule du mythe viendrait à opérer son défilement, elle ne ressortirait plus d'une « version originale sous-titrée », mais d'une « version reproductible à l'infini surexposé ».

Morad Montazami, 2007



2007, Homer's text transfered on 35 mm film, plexiglas, dimensions variable