Philippe Louis Rousseau, 2018
Le rectangle du tableau, que ce qui s’y encadre soit figuratif ou abstrait, régulé ou lâche, entraîne perspective, théâtre, histoire ou cliché — d’avant-garde ou du dimanche, d’une façon ou d’une autre. Au tout début des années 80, un groupe d’Étrangleurs issu du punk agrémente une chanson entêtante d’un clip orientalisant où le groupe en costumes et cols cassés, transpire lentement dans le classicisme d’une Égypte des pyramides. Clichés retournés qui établissent la distance flottante à une référence tue, qui devrait plus servir d’indice que de fin: nécessité du dispositif de la chicane, pour se défendre de ces attaques directes qui manquent leurs cibles à les détruire bêtement (puisqu’elles réapparaissent ailleurs et que l’inconnaissable demeure inentamé). Si Julien Audebert emprunte depuis un moment le dispositif de la chicane à l’occasion de ses photomontages, de ses films ou de ses installations, il en essaye désormais, apparemment plus sage, la formule peinte.
Un peu comme la chanson s’appuie sur un riff qui retourne à la langueur rythmée du clavecin qu’accompagne des images passées, la peinture peut encore contenir dans le tableau de la force et de l’illusion, un jeu du réel. Comme cette illusion d’une goutte noire qui apparaît entre un pouce et un index prêts à saisir le contre-jour (il suffit d’essayer pour le voir) accentue soudainement l’instant, des peintures nous parleraient de ce qui nous entoure et de la ruse nécessaire pour s’en approcher sans détruire le vernis qui le recouvre. Nous nous enfonçons tous dans les profondeurs des explications, du monde ou de nous même, maintenant qu’aucune de ces explications n’est garantie d’origine ou fournie au départ. Le vieux Vladimir ou le vieil Oscar ne démentiraient pas la chose : plus que jamais la ruse est nécessaire pour saisir la simplicité ou le naturel qui s’attardent probablement encore dans les coins si on les cherche.
Là où ce que nous sommes désormais censés appeler de la photographie cherchait le presque-documentaire à l’occasion d’un détour par le tableau et la mise en scène, dans un parcours parallèle et inverse à celui suivi par Jeff Wall il y a une quarantaine d’années, une peinture du détail et du moment qui pourraient faire série chercherait, ces jours-ci, la presque-fiction.